09 Suicide et rôle de l’école
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Prévention du suicide à l’école et en classe
La prévention du suicide est une tâche qui incombe à l'ensemble de la société et qui ne doit et ne peut être réalisée seulement par les écoles. Il s'agit avant tout d'une responsabilité communale et cantonale. Cela signifie que les écoles de chaque région ont accès à des services spécialisés de conseil et d'intervention par le biais d’interlocuteurs/trices à disposition. Il est essentiel que les écoles coopèrent activement avec ces services spécialisés.
La prévention du suicide dans le cadre de la promotion globale de la santé
L’une des principales missions des écoles après l’éducation réside dans la promotion de la santé de tous leurs membres. Dans ce cadre, elles permettent également de prévenir efficacement le suicide en agissant stratégiquement sur les facteurs de protection, c'est-à-dire en renforçant notamment la résilience, l’estime de soi des élèves, et en favorisant le lien entre tous les acteurs au sein des établissements. Divers problèmes sociaux ou émotionnels tels que les comportements à risque, l’intimidation entre élèves, la consommation de drogues ou les mauvais résultats scolaires peuvent également être atténués par une telle stratégie globale de promotion de la santé psychique. Avant tout, un lien positif avec l'école – ou même avec un·e enseignant·e en particulier – est considéré comme un facteur de protection important pour la santé psychique, surtout lorsque les liens familiaux sont relativement fragiles [1]. Le renforcement des liens est donc l'un des meilleurs moyens pour les écoles d'assurer une prévention du suicide efficace.
Les écoles qui placent la promotion de la santé psychique au cœur de leurs préoccupations devraient donc :
- Développer une culture scolaire/un environnement d'apprentissage sûr, soutenant et bienveillant (chapitres 3.1, 3.2 et 5.1),
- Promouvoir les capacités transversales (chapitre 3.6),
- Reconsidérer leurs méthodes d'enseignement (notamment chapitre 3.5),
- Établir et améliorer les partenariats au sein de la communauté scolaire et avec les établissements de santé externes, les services de conseil et les offres de soutien (chapitre 3.4).
- Prendre en compte et oeuvrer pour le bien-être du personnel
Lors de l'élaboration de programmes scolaires, il est très important que les écoles tiennent également compte de la configuration de l'environnement scolaire ainsi que des contextes culturels, religieux et sociaux.
Par ailleurs, l'intervention précoce (cf. chapitres 6 et 9.3) est un autre élément majeur de la prévention du suicide dans les écoles. Dans ce contexte, il est particulièrement important que les enseignant·e·s mais aussi les différentes personnes ressources disposent des connaissances nécessaires à propos des facteurs de risque, qu'ils et elles soient capables d’observer attentivement et, en cas de suspicion, qu'ils et elles puissent agir le plus tôt et le plus efficacement possible. Dans les situations problématiques, il est également important que les enseignant·e·s et les autres membres de l’établissement scolaire soient convaincu·e·s qu'il existe des solutions appropriées et qu'ils/elles transmettent cette vision positive.
En complément des ressources SchoolMatters à visée plus structurelle qui s’adressent en particulier aux directions d’établissements, le cahier de référence intitulé « Promouvoir la santé psychique des adolescent·e·s à l’école et dans l’espace social » propose des clés de compréhension et d’action à l’intention des enseignant·e·s et des autres professionnels en contact avec les jeunes. Ce cahier fournit de l’information et des connaissances sur les processus et les enjeux de l’adolescence et constitue un outil de référence partagé proposant une compréhension commune de la promotion de la santé psychique des adolescent·e·s, en particulier dans le cadre scolaire.
Ce que les enseignant·e·s devraient considérer dans le contexte de la prévention du suicide
- Tous les commentaires, observations, incidents, révélations ou pensées exprimés au sujet de l'automutilation doivent être pris très au sérieux (même s'ils sont exprimés de manière abstraite et indirecte) et les informations doivent être transmises aux personnes appropriées ou aux services spécialisés en suivant un plan d’action (chapitre 9.3).
- Les élèves et enseignant·e·s doivent être conscient·e·s qu'en cas de danger imminent pour la vie, un secret ne peut plus demeurer secret et le devoir de confidentialité doit être suspendu (chapitre 5.1).
- Dans le cas où des informations confidentielles sont divulguées aux enseignant·e·s, ceux-ci et celles-ci doivent informer les élèves qu’en fonction de la situation, ils et elles peuvent être tenu·e·s de faire part de ces informations à d’autres personnes de confiance (direction de l'école et, selon la situation, les parents, chapitres 5.1 et 5.2) pour protéger la personne à risque.
- Même si la confidentialité ne peut être garantie, il est important de protéger la vie privée des élèves. Lorsque des informations sont communiquées, les élèves devraient être associé·e·s au processus dans la mesure du possible.
- Les élèves doivent être en mesure de savoir qui contacter si eux-mêmes et elles-mêmes ou leurs ami·e·s ont besoin d'aide.
- Les enseignante·s ne peuvent/doivent pas proposer de conseils ou de traitements spécifiques, mais doivent s'efforcer d'établir une relation de confiance, de bienveillance et de soutien avec les élèves concerné·e·s, et être en mesure de leur fournir les informations dont ils et elles disposent (voir aussi le chapitre 3.5).
Aborder la question du suicide en classe
- La question de savoir si et comment le thème du suicide doit être abordé en classe, dans le cas où il est mentionné par les élèves ou si une situation problématique se présente, est discutée de manière controversée par les expert·e·s. Pour certain·e·s élèves, le fait de pouvoir parler de leurs problèmes et de leurs éventuelles pensées suicidaires dans un espace protégé, d’expérimenter un soutien compréhensif et d’en apprendre davantage sur les alternatives existantes peut avoir un effet positif. Cependant, pour les élèves qui ont des pensées suicidaires depuis longtemps, cela pourrait aussi déclencher un stress supplémentaire et favoriser l'option du suicide s’ils et elles n’avaient peut-être parlé à personne de leurs problèmes jusque-là.
- Il convient de souligner que le suicide ne devrait pas devenir l’objet central d'une leçon dans tous les cas et sans préparation approfondie (lectures, contact avec des experts, etc). L’enseignant·e doit considérer les enjeux pour pouvoir, d’une part, s’appuyer sur les connaissances et expériences préalables des élèves par rapport à cette thématique et plus largement par rapport aux difficultés psychiques et, d’autre part, faire attention à ne pas inviter imprudemment et inutilement à la discussion. En effet, parler explicitement du suicide est un besoin très répandu chez les jeunes, qu’ils et elles soient concerné·e·s directement ou non par cette question mais il faut impérativement informer les élèves en amont d’une discussion et offrir la possibilité à celles et ceux qui ne se sentent pas à l’aise de ne pas y participer (et leur proposer une alternative le cas échéant).
- Parler du suicide en classe constitue également une invitation pour les élèves à parler de leurs propres idées suicidaires éventuelles. Il faut ainsi impérativement prévoir un espace pour recueillir ces témoignages (par le biais de personnes ressources, par ex. des travailleurs sociaux et travailleuses sociales ou des médiateurs et médiatrices) et le communiquer clairement aux élèves.
- En classe, il est recommander de se concentrer sur la promotion de la résilience, d'encourager les élèves à la recherche d'aide et tenter de favoriser le sentiment d'attachement à l'école. Il s’agira ainsi d’éviter de placer le thème du suicide au centre des leçons et des discussions plusieurs fois de suite ou de choisir le suicide comme sujet central de projets de recherche ou d'écriture, de pièces de théâtre ou encore d’activités d’interprétation de poèmes. Le risque de thématiser abondamment le suicide comme tel est en effet que des élèves expérimentant des idées suicidaires ou étant confronté·e·s au suicide dans le cadre privé (par ex. au suicide ou aux idées suicidaires d’un·e proche) se retrouvent forcé·e·s à devoir aborder ce sujet pouvant éveiller des émotions bouleversantes pour eux et elles.
- Si les enseignant·e·s ont décidé d'aborder le thème du suicide en classe, une discussion ouverte et respectueuse est tout aussi importante qu'un climat de confiance au sein de la classe et la confiance de l'enseignant·e dans ses propres capacités à enseigner un sujet tabou aussi difficile. Il s’agit pour eux et elles de bien se préparer et/ou de chercher du soutien (auprès de personnes de référence). Si nécessaire, il est possible de faire intervenir des conseillers et conseillères externes en classe. Dans ce cadre, l’association Stop Suicide propose des ateliers de prévention en classe (encadré ci-dessous). En outre, il faut veiller à mettre l’accent sur les différentes possibilités d’agir et de faire face au mal-être.
Faut en parler ! Podcasts et articles pour aborder le suicide sans tabous
Les associations Minds et Stop Suicide se sont associées pour réaliser 4 épisodes de podcast inédits qui brisent les tabous entourant la santé mentale et le suicide. Ces épisodes composés de témoignages sont enrichis par des articles, des ressources et des conseils de professionnels. Quatre thématiques transversales y sont abordées : les tabous, les signaux d’alerte, la culpabilité, la recherche d’aide et le rétablissement en santé mentale.
Ateliers de prévention du suicide des jeunes
L’association Stop Suicide propose des ateliers de prévention pour les écoles visant les jeunes de 14 à 20 ans. Animés par un·e intervenant·e de Stop Suicide accompagné·e d’un·e psychologue, ces ateliers sont préparés en amont avec les directions d’établissement et/ou les personnes concernées (par ex. enseignant·e·s, personnes ressources, etc.). Visant à promouvoir la santé psychique des adolescent·e·s, à encourager leur bienveillance et à les informer sur les ressources d’aide à disposition, ces ateliers permettent aux élèves d’aborder la question du suicide dans un cadre bienveillant et interactif. Ils se composent de plusieurs temps de discussion et de réflexion successifs, notamment à propos des idées reçues sur le suicide, d’exemples de situations (vignettes thématiques) et des ressources d’aide à disposition présentées.
Plus d’informations ici et sur la brochure : Ateliers - STOP SUICIDE.
Tout comme le programme d'une école promotrice de santé contribue à la prévention du suicide, la prévention du suicide contribue en retour à une école promotrice de santé, notamment dans les axes suivants :
- Conditions-cadre : la prévention du suicide contribue par exemple à une gestion efficace des situations de crise par les écoles ;
- Culture scolaire : la prévention du suicide contribue à la gestion des crises ainsi qu’à l'amélioration de la gestion du stress et aide à renforcer l'estime de soi ;
- Direction d’école et management : la prévention du suicide va de pair avec l'élaboration de plans d’action/concepts d'intervention pour faire face aux crises ;
- Coopération et relations extérieures : La prévention du suicide va de pair avec la coopération entre les écoles et les services spécialisés compétents et devrait se fonder sur les observations conjointes des enseignant·e·s concernant le développement individuel de leurs élèves ;
- Professionnalisme des enseignant·e·s : La prévention du suicide est également liée au développement des compétences professionnelles et le bien-être des enseignant·e·s doit être pris en compte ;
- Enseignement et apprentissage : l'action méthodologique et didactique doit renforcer l'auto-efficacité et l'estime de soi. Cela correspond à la prévention du suicide selon l’esprit MindMatters, qui contribue à la promotion de la résilience ;
- Résultats et succès de l'école : à la suite de ce dernier point, la prévention du suicide peut contribuer au développement personnel (notamment l’idée que les membres de l'école puissent s’apprécier comme ils et elles sont), à une compétence sociale (les élèves s'entraident) et au bien-être (l'attachement des élèves à leur école ainsi que le soutien qu’ils et elles reçoivent dans les situations personnelles difficiles).
1 Opp, Fingerle & Freytag (1999)