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SchoolMatters




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21 décembre 2021

08 Harcèlement-intimidation et violences entre élèves

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8.1 Chiffres, définition, origine et conséquences

Le bien-être des élèves est un objectif fondamental pour un système éducatif efficace [1]. Le harcèlement-intimidation a un impact négatif sur le bien-être à court et à long terme [2]. Dans l'étude Pisa réalisée en 2018 [3], les élèves montrent un niveau élevé de satisfaction à l'égard de leur propre vie ainsi qu’un fort sentiment d'appartenance à l'école. Toutefois, en comparaison avec d’autres pays, la Suisse présente le taux le plus élevé de comportements d'exclusion et de marginalisation. En outre, les chiffres ont augmenté par rapport à l'étude de 2015 [4]. Dans l’étude la plus récente, environ 13 % des jeunes de 15 ans déclarent qu'on s'est moqué d'eux/elles au minimum à deux reprises par mois au cours des 12 derniers mois (11 % en 2015). 11 % déclarent que des camarades de classe ont répandu des rumeurs méchantes à leur sujet au moins deux fois par mois (7 % en 2015). Les jeunes rapportent également être plus souvent menacé·e·s. Environ 7 % d'entre eux/elles disent avoir été menacé·e·s au moins deux fois par mois (3 % en 2015).

L'étude HBSC réalisée en Suisse en 2018 montre des résultats similaires [5]. Au cours des mois précédant l'enquête, 12,3 % des jeunes de 11 à 15 ans ont été victimes de harcèlement-intimidation à une ou deux reprises, et 6,3 % ont été victimes de harcèlement-intimidation au moins deux fois par mois à l'école. Les filles (6,9%) rapportent avoir été légèrement plus touchées par des actes de harcèlement-intimidation que les garçons (5,8%). Tant pour les garçons que pour les filles, on constate que les actes de harcèlement-intimidation (à raison d’au moins deux fois par mois) sont signalés moins souvent chez les adolescent·e·s plus âgé·e·s que chez les plus jeunes. Les adolescent·e·s issu·e·s de la migration sont par ailleurs un peu plus souvent touché·e·s par le harcèlement-intimidation que les jeunes d'origine suisse (7,3 contre 5,1%).

En Suisse Romande, «diverses études ont été conduites entre 2003 et 2014 sur la thématique des incivilités et du harcèlement-intimidation entre élèves. Elles montrent qu’environ 10% des élèves de 15 ans sont touché∙e∙s par ces phénomènes au moins une fois par semaine durant l’année et presque 5% des jeunes de cet âge admettent avoir intimidé d’autres jeunes. Si le taux de victimes baisse sensiblement avec l’augmentation de l’âge, il concerne encore 8% des jeunes de 18 ans» [6].

Par ailleurs, une étude menée en 2014 montre que «le taux de jeunes non exclusivement hétérosexuel·le·s a avoir été [cibles] de [harcèlement-intimidation] (données récoltées uniquement dans le canton de Vaud) et de [cyber-harcèlement-intimidation] est également plus élevé que le taux observé chez les jeunes exclusivement hétérosexuel·le·s […]. Les jeunes ayant une attirance non exclusivement hétérosexuelle ont près de 5 fois plus de risque que les jeunes ayant une attirance exclusivement hétérosexuelle d’être [cibles] de [harcèlement-intimidation], après ajustement pour le sexe. Ce risque se situe à 2 fois lorsqu’il s’agit de [cyber-harcèlement-intimidation]» [7].

L'étude Pisa a également interrogé les élèves à propos du harcèlement-intimidation au sein de leur école. Dans l'ensemble, les jeunes fréquentant les écoles de Suisse ont tendance à désapprouver le harcèlement-intimidation : 87 % des jeunes de 15 ans apprécient que quelqu'un défende les élèves victimes de harcèlement-intimidation. En outre, 86 % de tous/toutes les jeunes disent qu'ils/elles pensent qu'il est mal de prendre part à des actes de harcèlement-intimidation. 73 % des jeunes se disent contrariés·e·s lorsque personne ne défend les élèves victimes de harcèlement-intimidation.

Enjeux de vocabulaires

Parler de «harcèlement-intimidation entre élèves» plutôt que de harcèlement scolaire ou de harcèlement à l’école permet de tendre vers davantage de précision pour définir et délimiter un problème spécifique et récurrent dans les établissements scolaires. D’une part, l’ajout du terme d’«intimidation» permet de ne pas risquer de confondre le phénomène en question avec d’autres types de harcèlement (par ex. le harcèlement sexuel qui relève du droit pénal et nécessite une prise en charge différente). D’autre part, la précision «entre élèves» veille à circonscrire l’intimidation aux actes perpétrés uniquement par les élèves à l’encontre d’autres élèves. Les actes d’intimidation perpétrés entre et par divers autres types d’acteurs scolaires (par ex. entre enseignant·e·s ou par des enseignant·e·s à l’encontre d’élèves) n’en font pas partie bien qu’ils puissent y contribuer.

Pour davantage de clarifications terminologiques et théoriques imagées à propos des phénomènes de «harcèlement-intimidation entre élèves», vous pouvez vous référer à la capsule vidéo explicative réalisée par l'Unité de Promotion de la santé et de Prévention en milieu scolaire du canton de Vaud. Celle-ci s'adresse à l'ensemble des professionnel·le·s des écoles et aux parents. Une version racourcie destinée aux élèves existe également. 

Quand s’agit-il de harcèlement-intimidation entre élèves ?

Les phénomènes de harcèlement-intimidation entre élèves sont caractérisés par les éléments suivants : «répétition de violences, phénomène de groupe exerçant une asymétrie et engendrant une incapacité à se défendre pour l’élève qui en est la cible. La pression à la conformité et la peur sont le ciment du groupe qui ne constitue pas un bloc monolithique» (Dayer, 2020). Les quatre caractéristiques suivantes sont généralement typiques des situations de harcèlement-intimidation et apparaissent souvent simultanément [8] :

  1. Le ou les élève(s) cible(s) se trouve(nt) en infériorité numérique. Les atteintes à son/leur égard sont systématiques et fréquentes (par ex. hebdomadaires).
  2. Les atteintes se produisent sur une longue période (3-4 mois ou plus).
  3. La ou les personne(s) cible(s) n'a/n’ont pratiquement aucune possibilité d'échapper à la situation par ses/leurs propres moyens.
  4. L’intimidation est souvent l'exclusion du groupe de pairs ou du groupe classe.

Afin de mieux comprendre les phénomènes de harcèlement-intimidation, il peut s’avérer utile de les distinguer des conflits [9]. Les conflits font partie de la vie quotidienne des enfants et des adolescent·e·s et favorisent leur développement émotionnel et social. À travers les conflits, les élèves apprennent ainsi à défendre leur point de vue ou à s'affirmer, à faire des compromis ou à céder. Ils/elles sont par ailleurs amené·e·s à chercher des solutions ensemble afin de résoudre les conflits. Dans un conflit, les participant·e·s ont les mêmes droits et le même pouvoir d’action. Les enfants et les jeunes se disputent généralement à propos d’un sujet concret (objet, incident, etc.). Les situations de harcèlement-intimidation entravent en revanche le développement des compétences socio-émotionnelles des personnes cibles de même que des intimidateurs/intimidatrices [10]. Il est à noter également la notion d’asymétrie dans les phénomènes de harcèlement-intimidation entre élèves alors que dans les conflits, une relative symétrie est présente entre les parties. Cette asymétrie engendre une incapacité à se défendre pour l’élève qui est la cible d’intimidation.

 

Où et comment naissent les cas de harcèlement-intimidation entre élèves ?

Les situations de harcèlement-intimidation surviennent dans des environnements sociaux auxquels il est généralement très difficile voire impossible d’échapper. Les enfants et les jeunes sont affecté·e·s à une école, par exemple en fonction de leur lieu d’habitation ou de leur niveau scolaire, et ont le devoir de la fréquenter. Par ailleurs, les classes sont formées très souvent sans tenir compte des amitiés/affinités. Dans la mesure où la classe est un groupement légalement établi, il est ainsi difficile pour les élèves d’échapper aux situations de harcèlement-intimidation [11].

Aujourd'hui, de telles situations sont considérées comme un problème d’ordre social [12]. Autrement dit, les caractéristiques d'une personne sont influencées par le contexte social et vice versa. Le contexte social comprend, entre autres, les autres enfants ou jeunes de la classe ou de l'école, la famille, l'école dans son ensemble (bâtiment, aménagement des espaces de pause, climat scolaire, etc.) et le milieu de vie dans lequel elle s’insère (quartier, district). Les enfants et les adolescent·e·s sont à la fois des individus et des membres d’une classe et d’une école.

Les phénomènes de harcèlement-intimidation se nourrissent de la dynamique de groupe et constituent un phénomène collectif au sein d'une classe, d'un groupe ou d'une école. Les élèves et les autres acteurs de l’école ont ainsi un certain rôle à jouer en cas de harcèlement-intimidation [13] :

  • Les intimidateurs/intimidatrices présumé·e·s (IP) (également parfois appelé·e·s auteur·e·s présumé·e·s d’intimidation) prennent l'initiative d'intimider activement quelqu'un et jouent le rôle de leader.
  • Les élèves-cibles (EC) sont impuissant·e·s et à la merci des attaques et des actes d'intimidation. Les raisons pour lesquelles des élèves deviennent des cibles de harcèlement-intimidation ne sont pas toujours compréhensibles et ne peuvent pas être simplement attribuées à des caractéristiques personnelles. Tous/toutes les élèves peuvent y être confronté·e·s.
  • Les élèves qui assistent ou suivent les intimidateurs/trices présumé·e·s s'orientent sur le comportement de ces derniers/ères et participent activement aux actes de harcèlement-intimidation. Ils/elles sous-estiment souvent les effets des attaques des intimidateurs/trices sur la personne cible. Cependant, eux/elles-mêmes n’en prendraient jamais l'initiative.
  • Les élèves qui renforcent les phénomènes de harcèlement-intimidation regardent les actes d’atteinte aux EC, rient en même temps que les intimidateurs/trices ou les encouragent, procurant à ces derniers/ères un sentiment positif.
  • Les élèves qui aident et/ou défendent les personnes cibles se rangent clairement de leur côté, les soutiennent et les réconfortent. Ils/elles essaient activement de prévenir les actes d'intimidation.
  • Les élèves témoins sont témoins des actes agressifs mais restent en dehors des situations d'intimidation et n'interviennent pas. Dans plus de 85 % des cas de harcèlement-intimidation, des témoins sont présent·e·s [14] confirmant ainsi que ces phénomènes nécessitent un public pour qu’ils aient lieu. Ils/elles ont peur de devenir eux/elles-mêmes la cible des IP s'ils/elles prennent la défense des EC [15]. Par leur passivité, ils/elles renforcent inconsciemment les actes de harcèlement-intimidation car ils/elles signalent aux IP qu'ils/elles approuvent leurs actions [16].
  • Les enseignant·e·s peuvent influencer consciemment ou inconsciemment une situation d'intimidation. Ils/elles doivent être conscient·e·s qu’ils/elles peuvent avoir un rôle à jouer et être informé·e·s des possibilités d’action. Leurs réactions sont perçues de très près par les élèves. S'ils/elles n'interviennent pas, les IP sont encouragé·e·s dans leurs actions et les EC sont découragé·e·s de chercher de l'aide. Les enseignant·e·s peuvent ainsi prévenir une situation de harcèlement-intimidation par leur comportement, mais ils/elles peuvent aussi l'encourager. Ils/elles ont donc une fonction importante de modèle. Une attitude claire et cohérente contre le harcèlement-intimidation est fondamentale pour le comportement de la plupart des élèves.
  • Les directions d'établissement ont un rôle clé dans la création et le maintien d’un climat scolaire positif (cf. chapitre 3.2). Il est essentiel d'adopter une position claire et cohérente qui ne tolère pas le harcèlement-intimidation et de promouvoir activement une école qui soit un lieu sûr et bienveillant pour toutes et tous. Les membres de l'école doivent être attentifs et ont des possibilités d’agir. Pour qu’ils/elles le fassent de façon adéquate, il est important d’instaurer une compréhension commune des phénomènes de harcèlement-intimidation et de la manière de traiter les signes. Cela peut commencer par de petites remarques ou insultes à priori insignifiantes, même parmi le personnel de l’école.

Pourquoi ne pas parler de «victimes» ?

Le terme «victime» est généralement associé à une incapacité d'agir. Souvent, les élèves concerné·e·s perdent manifestement leur confiance en eux/elles au cours du processus d'intimidation et se mettent à douter d'eux/elles-mêmes et de leurs compétences sociales. Toutefois, il est important pour leur santé psychique qu'ils/elles n’expérimentent pas le fait d’être perçu·e·s comme des victimes à long terme, mais qu’ils/elles apprennent à rester capables d'agir ou à devenir capables d'agir même dans des situations difficiles. Par conséquent, nous recommandons d'utiliser les termes d’«élèves-cibles» (EC), ou éventuellement «intimidé·e·s» «affecté·e·s» dans les discussions et dans le contexte de la confrontation active dans les processus de harcèlement-intimidation.

Conséquences des situations de harcèlement-intimidation

Les phénomènes de harcèlement-intimidation ont de nombreuses conséquences négatives pour les EC mais aussi pour les IP et pour l'ensemble de la classe ou du groupe de pairs. Il est donc d'autant plus important de reconnaître les signes d'intimidation à un stade précoce et d’agir (cf. chapitre 8.4). Il est souvent difficile de distinguer les causes des effets et il est rare d’observer des liens directs. Le tableau suivant présente une liste non exhaustive d’observations aux niveaux physique, psychologique et social [17].

7.1 Harcèlement

1    Hascher (2004) ; Hascher, Hagenauer & Schaffer (2011)
2    Drydakis (2014) ; OECD (2017); Rivara & Le Menestrel (2016)
3    OECD (2019)
4    OECD (2017)
5    Delgrande, Jordan et al. (2019)
6    Lucia, Stadelmann, Ribeaud, Gervasoni, (2015) ; Lucia, Stadelmann, Pin, (2018) ; Lucia, Stadelmann, Pin (2018)
7    Lucia, Stadelmann, Amiguet, Ribeaud & Bize (2017)
8    Dayer (2020)
9    Kaspar (2002)
10  Alsaker (2011)
11  Kaspar (2002)
12  Smith et al. (1999)
13  Espelage & Swearer (2003)
14  Alsaker (2011); Salmivalli et al. (1996)
15  Hawkins, Pepler & Craig (2001)
16  Slee (1993)
17  Alsaker (2003)